J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015
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ETATS DES YEUX | Juillet 2023| Lettre à Jane BIRKIN et aux autres filles ou femmes

 

Chère Jane,

    Je ne sais pas où vous êtes à présent. Des inconnus cernent votre maison Parisienne. Pas mal de monde s'est réveillé, consterné ou ravagé, en apprenant votre mort solitaire, c'était ce Dimanche. Les journaux , les médias et les réseaux sociaux se sont emparés de votre vie qu'ils prétendent connaître... Une profusion de photos, de souvenirs people inonde à présent les écrans et bientôt les magazines. Mais vous vous en foutez bien sûr, vos derniers instants ont-ils été paisibles, drôles ? J'imagine un - Merde ! Qu'est-ce qu'il m'arrive, j'ai encore fait un truc qu'il ne fallait pas, mais c'est vrai je suis de plus en plus flagada, je ne remonte pas la pente, j'en ai un peu marre je crois... !  J'imagine toutes sortes de scènes , je n'imagine rien en fait, je projette mes pires craintes,  je vois simplement quelqu'un qui s'arrête de vivre et qu'on va retrouver inerte à 11 heures du matin... comme une poupée triste  - Oh ! Pardon, je voulais dormir plus longtemps cette fois ! Jane, quelqu'un de discret et de pudique comme vous qui n'a pas donné l'alerte et que sa famille va pleurer avec des millions de gens. J'en fais partie et je n'ai pas honte de le dire. Je ne suis pas fan des sixties, j'étais à peine née, mais j'ai suivi votre belle évolution artistique, votre émancipation en fait. Vous étiez l'une de ces "enfants d'hiver" dont vous aviez la nostalgie, votre enfance heureuse  sous des regards aimants, votre dégaine de garçon manqué  et débraillé me plaisait follement. Rien ne vous prédestinait à devenir une icône androgyne et hyper féminine avant l'heure. Vous avez surfé sur toutes les vagues de la dictature de la beauté, vous êtes restée intacte , juste plus fragile à l'intérieur devant les grands malheurs, les vôtres et ceux autour.  Vous la British à l'accent délicieux, êtes devenue Parisienne  puis Bretonne par goût du bonheur (parfois compliqué) et de la solitude bien employée. Votre capacité d'amour inépuisable vous a permis de devenir quelqu'un de doux et de généreux.Votre présence sur les plateaux télé n'a jamais été nunuche, vous saviez vous défendre comme un caméléon astucieux. Ils veulent que j'incarne leurs fantasmes, allons-y allons au zoo... Après tout, c'est moi qui m'amuse...  Mon chien est moins idiot que tous ces prétendants lubriques... Au moins, il sait qui lui donne à manger... Où est-il d'ailleurs ce chien ? Est-il resté en Bretagne ?  Est-il mort ou confié quelque part ? Est-ce que quelqu'un va prendre en compte sa peine ? Vous teniez votre chien comme un enfant sur vos genoux et c'était drôle. Dans le film de Gaëtan Roussel, que j'ai revu hier, vous disiez votre plaisir que les gens du coin vous foutent la paix. La Bretagne vous rapprochait de l'Angleterre, et surtout de votre père dont vous avez revisité les souvenirs de guerre... Vous aduliez votre mère, la beauté incarnée, actrice et complice, vous auriez aimé avoir fait un film sur elle , comme l'a réussi votre fille Charlotte sur vous il y a deux ans. C'est grâce à elle que j'ai compris ce que j'aimais en vous : la liberté d'aimer sans entrave, sans souci excessif des commentaires, sans possession non plus... Juste la fidélité des sentiments et la reconnaissance... Je me  souviens de votre "Gainsbourg Symphonique" en Ardèche, un monument de gratitude et de grâce... Vos derniers albums sont des cadeaux immenses à votre public. 

     Je ne parle pas ici de vos filles, car cela me met les larmes aux yeux. Bien sûr , on va voir des images, ces traques à l'émotionnel qui polluent la confidentialité du deuil. Je souhaite qu'on vous réserve un accompagnement et une inhumation aussi pudique et délicate que vous l'êtes encore dans mon regard très triste. Je vais relire votre journal intime et écouter vos disques, histoire de ne pas vous quitter trop vite et trop mal. 

    Je vous offre l'une de vos chansons, dans "enfants d'hiver", elle vous ressemble tant...

 

Prends cette main qui a beaucoup servi

Fais un pansement autour d'elle

Il faut lui apprendre

A se servir des doigts

On a coupé les ongles

Trop court une fois

Prends ces bras qui ont serré les maladresses des inconnus

Entoure ce corps qui a donné la vie 

Avec les brassières de survie

Prends cette bouche et cogne les dents

Je veux connaître tes veines tes bleus

Tes plis ta nuque  voir tes cheveux

Dans tous les sens et upside down

Pousse un peu de toi dedans

Soulève les pulls les jupes et les voiles

Je veux être devant toi à poil

Et endormie sentir le poids de ton

De ton corps qui pèse qui pèse sur moi

Je veux sentir ton coeur reposé

Contre la cage

Qui enferme  le mien

Oser être vue par toi demain

Les yeux bouffis

La main posée sur ta hanche la marque déposée

Veux-tu bien être mon dernier amour

C'est pas grave si pour toi

C'est pas grave 

Si pour  si pour toi si pour

Si pour si pour

Toi c'est pas sûr

 

 

   

Je pense à toutes les filles, à toutes les femmes qui  restent encore craintives face à la liberté, je leur dédie toute votre vie publique pour les encourager à vous rejoindre dans la joie et les pleurs. 

Jane Jolie Jane, je vous aime.

Une femme (encore) vivante.

 

 

"Charlotte, son prix d'interprétation à Cannes et 

aux Césars et Lou meilleure artiste. Je ne pense pas

qu'une autre mère au monde  ait trois filles qui 

réussissent mieux qu'elles. Elles me donnent la chair

de poule [...]

J'ai diné avec Charlotte et les enfants et  elle a dit

qu'elle était fière de moi, qu'elle comprenait la 

beauté de ce que Serge a écrit pour moi, que ma

voix était très puissante, comment Serge faisait-il

pour écrire deux chansons en une nuit ? Oh, j'étais

si contente, si heureuse."

 

Jane BIRKIN, Post-scriptum, Journal  1982-2013

 

 

ET CETTE SUBLIME LAST ONE :  JANE B...  for EVER